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Vendôme, abbaye de la Trinité

Vitrail roman de 1130, Marie et Jésus

 

 

Vitrail roman de 1140

Vitrail roman, vers 1130

Abbaye de la Trinité de Vendôme, chapelle d'axe gothique du Saint Sacrement, vitrail roman de la Vierge en majesté, réenchâssé dans une verrière moderne

Abbaye de la Trinité de Vendôme, chapelle d'axe gothique du Saint Sacrement, vitrail roman de la Vierge en majesté, réenchâssé dans une verrière moderne.

 

Etonnant vitrail ! Contrairement à l'idée reçue, les artisans verriers maitrisent complètement l'art du vitrail dès l'époque romane.

"Les premières verrières figuratives datent du VIIème siècle." (1). La cathédrale Notre-Dame de Chartres et l'abbaye de la Trinité de Vendôme offrent un magnifique trésor : des vitraux romans. Leur rareté les rend d'autant plus précieux.

Le vitrail de Vendôme est un des plus vieux vitraux de France. Fait vers 1130, il est réenchâssé plus tard dans la chapelle d'axe gothique de cette même abbaye de la Trinité de Vendôme. Malgré des restaurations ultérieures visibles, il nous réserve bien des surprises. Ce vitrail n'est pas le seul trésor de cette ancienne abbaye, devenue église paroissiale. Des stalles étonnantes et les clefs de voute des transepts en font partie également. Vous pourrez les contempler plus loin sur cette page.

 

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Dans une mandorle, la Vierge Marie tient l'enfant Jésus assis. Cette mandorle est une déclinaison de la mandorle christique où Jésus-Christ est victorieux de la mort, entouré des quatre Vivants (l'aigle, l'homme, le lion et le taureau) de la vision de l'Apocalypse de Saint Jean.

Quatre anges encadrent la mandorle. En haut deux anges encensent la Vierge marie. Ils plongent du ciel, tête et bras en avant. Les pieds sortent des nuées, représentées par des ondulations rouges en haut du vitrail. Dans la partie inférieure deux autres anges, pied à terre, soutiennent comme des presses-livre la mandorle de leur bras et main.

 

 

Vitrail roman de l'abbaye de la Trinité de Vendôme

Vierge romane à l'enfant. Montage de plusieurs photos.

 

Ce vitrail possède un jeu complet de couleurs : bleu, vert, rouge, jaune, blanc, marron.

Arrêtons-nous sur le bleu. C'est le fameux "bleu de Chartres". "Le célèbre bleu de Chartres pourrait aussi bien être qualifié de "bleu de Saint-Denis", car il a été mis au point sur ces deux chantiers vers le milieu du XIIe siècle . Il s'agit d'un bleu très lumineux, à fondant sodique et coloré au cobalt . Très résistant, il a traversé les siècles tandis que les rouges et les verts qui lui étaient contemporains se sont fortement altérés" (2). Le bleu du vitrail roman est pâle, afin de laisser passer la lumière dans des églises dont les murs représentent la majeure partie des surfaces verticales. A l'inverse, dans les églises gothiques le bleu devient foncé.

L'assemblage des verres est élaboré. Le verre découpé suit la courbure de la forme voulue. L'ensemble est ainsi figuratif, non géométrique.

 

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Nous sommes dans le monde roman. L'enfant Jésus est assis sur les jambes de sa mère, face à nous. Il est ainsi mis en avant de Marie, visuellement et théologiquement. L'élongation excessive de la mandorle en amande contraint l'artisan verrier à donner à la Vierge Marie des épaules étroites et des jambes à la longueur démesurée, afin qu'elle remplisse complètement cet espace exigu.

Le fond de la mandorle est rouge, couleur royale. L'auréole de marie est bleue, comme quelques médaillons des vitraux romans de la cathédrale de Chartres.

 

La robe bleue de Marie, aux plis triangulaires, frappe l'oeil dès le premier regard. Quel modernisme !

 

Vitrail roman de la l'abbaye de la Trinité de Vendôme

 

Nous retrouvons cette pliure triangulaire sur la robe de l'ange situé en bas à gauche de la mandorle, comme à la cathédrale de Chartres.

Cette large tache bleue claire capte notre regard, mais il est difficile de comprendre visuellement l'ensemble de ce vitrail. La robe bleue pâle est en partie sous un grand châle blanc. Ce châle couvre la tête de Marie et tombe sur ses épaules. Passant sous l'enfant Jésus, il ressort dans la partie inférieure droite de la composition.

 

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L'artisan verrier a-t-il laissé à la postérité son appartenance à une loge de maître-verrier, sa signature ? En effet, sur un pli de la robe bleue un magnifique losange enclot un quatre feuille et une croix de saint André. Chaque branche de celle-ci se termine par quatre traits perpendiculaires. Cette figure géométrique, ce trait, peut se décomposer en un "quatre de chiffre" (lien vers les "Compagnons du tour de France"). Le montage ci-dessous suggère une signature de compagnon, qui se répète quatre fois de manière circulaire. Ainsi elle est occultée par l'aspect purement décoratif.

 

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Le "quatre de chiffre" du compagnonnage, caché par répétition graphique en un motif ornemental ?

 

Cette lecture n'est qu'une hypothèse. Cependant elle est renforcée par la présence au dessous d'une figure géométrique en forme de deux chevrons croisés.

 

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Double X décoratif ou équerre et compas du compagnon verrier ?

 

Curieusement le trait du chevron pointe en haut est large et régulier. Nous pouvons y voir une équerre. Le chevron renversé a un trait plus fin. Par ailleurs, il s'amenuise encore lorsque les pointes parviennent en haut. Est-ce un compas ? Si nous avons là une équerre et un compas, alors, au dessus, le losange à quatre lobes et quatre rayons sortants est un quatre de chiffre.

Ce vitrail comporte alors une signature de maître verrier, ceci en 1130. Le compagnonnage existe-t-il déja, au sens actuel du terme ? A défaut, il est certain que dans leurs ateliers les verriers, comme les autres corporations de constructeurs, disposent de codes, de rituels pour se transmettre le savoir tout en se protégeant des envieux.

Notre verrier a-t-il posé ici sa marque ?

(1) Philippe Plagnieux, "L’art du Moyen Âge en France", Paris, Citadelles Mazenod, 2010, p. 187

(2) Michel Pastoureau, "Bleu, histoire d'une couleur", Seuil, 2003.

 

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Les autres trésors de l'abbaye de la Trinité de Vendôme

 

Un ensemble de stalles de choeur du XIVe et des clefs de voute figuratives dans les transepts nord et sud témoignent de la richesse de cette abbaye au fil du temps. Ils constituent un ensemble remarquable, digne d'intérêt.

Abbaye de la Trinité de Vendôme, l'architecte et son compas de la salle du trait

Clefs de voute et culs de lampe figuratifs

Abbaye de la Trinité, stalle du choeur, tuer le cochon

La vie au moyen-âge à travers les stalles de choeur

 

 

 

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