Cathédrale Saint Jean de Lyon

Les trois feux du ciel

 

 

Appliquant les principes de l'exégèse des écrits bibliques d'Origène (185-254+), chrétien grec d'Alexandrie, ce vitrail mêle des scènes de l'ancien et du nouveau testament pour une lecture non plus littérale mais spirituelle des textes, car ils se conjuguent et se répondent. Quatre niveaux de lecture s'entrecroisent : "le sens littéral ou historique, le sens allégorique ou spirituel, le sens moral, le sens anagogique"(1)

Au deuxième étage de ce vitrail, qui s'étire jusqu'à la voute du choeur et nous instruit de la vie du Christ, se déroule les trois interventions célestes.

 

Vitrail des trois feux du ciel, cathédrale Saint Jean de Lyon.

Vitrail du début du XIIIème siècle, chapelle d'axe, cathédrale Saint Jean de Lyon.

 

Les maîtres verriers du moyen-âge figurent ici l'intervention de l'esprit divin dans la matière sous trois formes différentes, feu, eau et lumière, objets de l'alchimie médiévale.

Au centre de la composition la Vierge Marie, allongée, vient d'accoucher de son fils Jésus, conçu de manière surnaturelle par l'esprit de Dieu, sans rapport physique avec son mari Joseph. Traditionnellement il est représenté se détournant de la jeune accouchée, montrant ainsi sa non implication. Cette théogamie sans manifestation physique de la part de Dieu est le fondement de la religion chrétienne. Elle s'appelle la "Visitation" et conduit à la nativité du Christ, fêtée à Noël. Plusieurs religions anciennes ont également une théogamie. Ne sommes nous pas tous des enfants du ciel, ne sommes nous pas "une âme dans un vase d'argile", comme le dit Dom Marcellin, actuel prieur du monastère de la Grande Chartreuse ?

Ce feu divin est enclos dans la matière ténébreuse de la manière la plus subtile qui soit. De très nombreux artistes et peintres chrétiens ont mis en scène la Visitation, parfois d'une manière bien étrange. Nous y reviendrons ailleurs.

 

 

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A gauche de la Nativité un homme regarde un arbre qui brûle, en se reculant. Nous avons là l'épisode de l'Ancien Testament où Moïse se retire sur une montagne dans le massif du Sinaï et Dieu lui apparait dans un buisson ardent. En fait, le buisson ne brûle pas lui-même. Des flammes en sortent, témoins de la présence de Dieu. Sa présence auprès des humains s'accompagne toujours de lumière ou de feu.

 

Plus étonnant, la figure de droite nous montre un autre mode de manifestation de la présence de Dieu.

 

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Cette scène est aussi tirée de l'Ancien Testament. Au chapitre 6 Gédéon met son Dieu à l'épreuve. "36 Je vais mettre une toison de laine dans l'aire ; si la toison seule se couvre de rosée et que tout le terrain reste sec, je connaîtrai que tu délivreras Israël par ma main...  38 Et il arriva ainsi. Le jour suivant, il se leva de bon matin, pressa la toison, et en fit sortir la rosée, qui remplit une coupe.  39 Gédéon dit à Dieu : … Je voudrais seulement faire encore une épreuve avec la toison : que la toison seule reste sèche, et que tout le terrain se couvre de rosée.  40 Et Dieu fit ainsi cette nuit-là. La toison seule resta sèche, et tout le terrain se couvrit de rosée".

Sur la tête du personnage un phylactère porte l'inscription .EDE.N, pour "Gédéon". A gauche du phylactère une main céleste, la main de Dieu, est la source du flot céleste :  la rosée tombe du ciel sur la toison de mouton posée au sol. Celui-ci n'est pas figuré. Le geste de bénédiction est fait par la position des doigts : index et majeur tendus, pouce, annulaire et auriculaire repliés sur la paume.

 

Nous avons ainsi, sur cet étage du vitrail, trois manifestations différentes du divin : l'esprit invisible enfante le vivant, l'Esprit de Dieu s'incarne en Marie et le "Verbe s'est fait chair", Jésus est né, à la fois vrai homme et vrai Dieu (voir le vitrail de l'arbre de Jessé de Chartres sur ces pages web). Autre manifestation : lumière et chaleur manifestent auprés de Moïse la présence de Dieu. Enfin, une forme liquide manifeste également Dieu auprès de Gédéon, l'incrédule. Cette troisième forme de feu est un feu froid et aqueux.

 

C'est sous cette forme que la Nature prend vie et se nourrit, comme le réveil printanier ci dessous le prouve.

 

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Jeunes flammes végétales, froides et lentes, se nourissant d'une eau glacée à la fonte des neiges.

 

Où est la plus grande part du Mystère ? Dans les cieux, où règne la lumière pure ou dans les fragiles vases d'argile, sur Terre, où cette lumière est mise en oeuvre, où elle ne reste pas stérile ?

 

 

 

(1) In Revue "Famille chrétienne", Michel Rouche, Histoire de l'Eglise, octobre 2011.

 

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