Cathédrale d'Amiens

Charpente et flèche

 

 

Le premier étage de la flèche offre une vue panoramique sur les clochetons, pinacles, arcs-boutants, faîtage, chenaux qui servent de chemin de circulation, tours de la cathédrale, ainsi que la ville.

Tournons notre regard à l'intérieur de la flèche. Des plaques de plomb commémoratives, gravées par des générations de compagnon-couvreurs, attendent notre oeil, témoins muets de leur attention et savoir-faire. Elles ont été posées à l'abri des regards profanes, au dessus de la couronne qui coiffe le deuxième terrasson. Seuls d'autres couvreurs pouvaient les atteindre. Ensuite, descendues sur les terrassons de la flèche, elles deviennent visibles plus facilement.

 

Flêche de la cathédrale d'Amiens, premier terrasson

 

Aucune pièce de bois n'apparaît. Un doublure de plomb les recouvre toutes. Les soudures sont proscrites à cause des dilatations et rétractations du métal durant l'année. Chaque plaque est en recouvrement de la précédente. Une agrafure maintient les plaques entre elles.

 

Flêche de la cathédrale d'Amiens, charpente recouverte de plomb

 

"DERIVERY 1781" telle est cette plaque toute simple qui atteste de la présence de notre inconnu, il y a 230 ans.

Reposées récemment sur les deux terrassons, suite à des travaux, ces plaques sont maintenant plus accessibles.

La plaque suivante, du nom de "CHARLE DEVLLIN 1687", amène un nouvel élément symbolique : une croix fichée sur un tertre. La référence au christianisme est explicite.

 

Flêche de la cathédrale d'Amiens, plaque de compagnonnage

 

 

Flêche de la cathédrale d'Amiens, vue de dessous du deuxième terrasson

 

Arrivé au premier terrasson de la flèche, levez les yeux pour admirer cette étoile à huit bras rayonnants et gantés de plomb. Leur courbure est identique à celle des étages inférieurs, dans l'obscurité de la toiture. Cette étoile forme le plancher du deuxième terrasson, encore quelques mètres plus haut dans le ciel.

Poursuivons l'ascension.

Nous sommes dans une flèche, voici la consigne pour l'ascension : la main droite tient la rampe, la tête regarde à gauche le centre de la flèche. Interdiction de regarder à droite, vers le vide. On redescend comme sur une échelle de meunier, à reculons, en regardant constamment le centre.

 

Flêche de la cathédrale d'Amiens, escalier menant au deuxième terrasson

 

Au fur et à mesure de la montée, le sentiment d'être entouré de vide devient trés fort. Serrons fermement la main sur la balustrade, notre seule ancre.

 

Flêche de la cathédrale d'Amiens, escalier menant au deuxième terrasson, suite

 

 

 

Flêche de la cathédrale d'Amiens, vue du premier terrasson, par dessus

 

 

Un passage difficile; les épaules coincent dans ce rétrécissement. Passons de profil.

 

Flêche de la cathédrale d'Amiens, escalier menant au deuxième terrasson, rétrécissement

 

 

 

Flêche de la cathédrale d'Amiens, escalier menant au deuxième terrasson, il faut se courber

 

 

 

Flêche de la cathédrale d'Amiens, dessous du deuxième terrasson

 

Arrivé au niveau du plafond, ces magnifiques voûtes de bois et de plomb enchantent la vue. Magique !

 

Flêche de la cathédrale d'Amiens, charpent du deuxième terrasson

 

 

Enfin, nous voici au but ultime de notre ascension, le deuxième terrasson.

 

Cathédrale d'Amiens, inscription compagnonnique

 

Le graffiti de droite montre les outils du charpentier : équerre, compas et bisaiguë (assemblage d'un ciseau à bois et d'un bédane) enlacés selon la manière du compagnonnage. Il est dommageable cependant que l'hommage du compagnon ne se soit pas fait à la manière des anciens, en posant une plaque, plutôt que de rayer et de fragiliser le revêtement de plomb actuel, protection du chêne pour des centaines d'années.

 

La plaque suivante commémore un exploit exceptionnel :

 

Flêche de la cathédrale d'Amiens, hommage de compagnon, plaque en plomb du deuxième terrasson

 

 

R . BOULLE    MT . COVVREURE

DE CETTE ESGLISE A ESTIN LE FEUX DE SOU(s)

LA POMME LE  26 VIII  1712

 

 

Ce maître couvreur éteint le feu qui se déclare "sous la pomme", la boule qui termine la pointe de la flêche et qui porte la croix. Sans doute un éclair a frappé la flêche et notre maître couvreur aperçoit de la fumée. Il accourt et sauve celle-ci de la destruction par le feu céleste. En bas de la plaque sont figurés les deux principaux outils du couvreur ardoisier, son marteau spécial et son enclume portative.

 

 

Flêche de la cathédrale d'Amiens, deuxième terrasson. Plaque de compagnonnage

 

Sur cette denière plaque commémorative figure uniquement une crucifixion, sans date, sans nom.

Poignant.

Ultime affirmation d'un compagnon pour sa croyance religieuse, dans une période d'intégrisme athé ? Nul ne peut donner la réponse, mais le témoignage est là, pour les générations futures.

 

 

Flêche de la cathédrale d'Amiens, vue de la tour nord

 

 

Ne quittons pas la flèche sans un regard pour la protection contre la foudre mise par nos prédécesseurs. Elle n'est pas physique comme un paratonnerre, mais symbolique et analogique, dans le droit fil de la pensée des anciens pour lesquels le ciel et la terre conjuguaient parfois leurs actions.

Ainsi, des foudres métalliques, telles des serpents sans tête, dévalent les faces de la flèche. Les vraies foudres, entités célestes, en les voyant iront tomber ailleurs.

 

Flêche de la cathédrale d'Amiens, foudres dévalant de la flêche

Comme à Notre-Dame de Paris, des foudres de plomb ou de fer dévalent du ciel vers la terre.

 

 

Pour finir ce périple mes remerciements vont à mes deux guides, qui donnèrent tant de temps pour celà. A travers eux, je remercie les générations précédentes, en une longue cohorte qui remonte à la cathédrale romane dont il ne reste rien et jusqu'à la fondation de la première église du IVeme siècle. Celle-ci servit à recueillir les restes de Saint Martin qui, à l'âge de 18 ans ici à Amiens, déchira son manteau en deux pour donner la seule moitié dont il était propriétaire à un homme transi de froid, durant l'hiver de l'an 354.

 

Dans la vue ci-dessous le restaurateur du XIXe, l'architecte Viollet-le-duc, se fait représenter au pied d'une satue colonne de la grande façade. Il porte témoignage de la longue chaîne humaine dont le travail et la peine nous permettent, aujourd'hui, de bénéficier de cet outil grandiose, la cathédrale, chemin de l'âme.

 

Cathédrale d'Amiens,statue de Viollet le duc à la façade ouest

La statue de Viollet le duc regarde l'édifice restauré

 

 

Maintenant poursuivons notre visite de la cathédrale d'Amiens. Examinons le différents plans qui donnent les clés pour comprendre les enchevêtrements cyclopéens des poutres de chênes qui ont jalonné notre ascension vers le premier terrason de la flèche, à la page suivante ou en cliquant sur la photo ci-dessous

 

Cathédrale d'Amiens, plan de la flêche

Cliquer sur le plan ci-dessus pour continuer la visite

 

 

 

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